Bilan des paris sportifs en France après la loi, un vrai désastre
Des opérateurs agréés vendent leur sites (EurosportBet), ne se lancent pas sur le marché français malgré leur licence déjà attribuée (Unibet) et d’autres ont désertés le marché avant même de commencer (Canal Win).
Bref, un cataclysme dans les paris sportifs tel qu’ils sont tous déficitaires.
Les paris sportifs en berne pour le bien de la FDJ et du PMU ?
Plus d’un an après la loi du 12 mai 2010, le bilan est-il positif concernant le marché des paris sportifs en ligne ?
Sans être caricatural, on peut répondre que c’est plutôt le contraire : l’offre s’avère restreinte à plusieurs niveaux, la fiscalité nuit aux opérateurs comme aux joueurs, et le seul grand gagnant de cette histoire semble bien être l’Etat.
Commençons par le commencement…
L’établissement de la loi du 12 Mai 2010 sur les jeux d’argent en ligne a donné en même temps naissance à une autorité destinée à réguler les jeux en ligne, à savoir l’Arjel.
Le marché français s’est ainsi, selon les termes de la loi, ouvert à la concurrence, mais autour de trois secteurs uniquement : le poker, les paris sportifs et les paris hippiques.
Les grands absents de cette nouvelle législation sont donc les casinos et leurs jeux en ligne spécifiques.
Or, force est de constater que la branche des paris sportifs hérite du bilan le plus pessimiste en comparaison du marché du poker et de celui des paris hippiques.
En effet, les statistiques mises en ligne par le site de l’Arjel à propos de la période écoulée entre juin 2010 et avril 2011 prouvent cette dégradation du marché des paris sportifs.
Alors qu’il débutait sous les meilleurs auspices au mois de juin 2010 avec un total de 319981 comptes de joueurs actifs, il affiche en avril 2011 un nombre dérisoire de 73026 comptes.
La baisse est considérable non seulement au niveau du marché des paris sportifs en ligne en lui-même, mais aussi en comparaison de ce qu’enregistrent le poker et les paris hippiques en ligne.
Aux premiers balbutiements de la loi, les paris sportifs en ligne surpassaient nettement ces deux autres domaines, tandis qu’ils sont aujourd’hui loin derrière le poker et même le turf.
Quelles peuvent être les raisons de ce quasi fiasco des paris sportifs ?
A priori, la promulgation de la loi du 12 mai 2010 présentait des avantages évidents.
En effet, le cahier des charges de l’Arjel, très (voire trop) rigoureux définit des critères excessivement précis afin de faire la différence entre les plate-formes légales selon elle, et donc honorées de licences, et les sites considérés comme illégaux dans la mesure où ils n’entrent pas dans le cadre circonscrit de la loi française.
Le grand avantage pour les joueurs, de ce point de vue, est d’être sûrs de jouer sur un site sécurisé et doté d’un logiciel entièrement fiable.
L’Etat, par le biais de la loi, garantit donc la confiance des joueurs français, ce qui n’est certes pas un aspect négligeable.
Par ailleurs, l’instauration de cette nouvelle législation a permis de relativiser le monopole de la Française des Jeux sur les paris sportifs notamment.
De fait, 17 opérateurs se partagent actuellement le secteur des paris sportifs en ligne, parmi lesquels Betclic, France Pari, Iliad Gaming, JOAonline, Sajoo, EurosportBet…
(MISE A JOUR : Sajoo et EurosportBet ont fermé et d’autres notamment pour le poker en ligne)
Les noms des sites diffèrent parfois du nom de leur opérateur, comme pour le site “parionsweb” qui est détenu par la Française des Jeux, ou le site “bwin” qui appartient à B.E.S SAS.
C’est peut-être, pour la Française des Jeux par exemple, un moyen de masquer subrepticement sa présence.
Quelle est la position de l’Arjel actuellement ?
Au total, depuis que le marché des paris sportifs en ligne s’est ouvert, 595 millions d’€uros de mises ont été réalisés.
Cependant, ne serait-ce qu’entre le quatrième trimestre de 2010 et le premier trimestre de 2011, l’Arjel remarque que le montant cumulé des mises enregistrées est passé de 200 à 147 millions d’€uros, soit une baisse de 26 %.
Le Président de l’Arjel explique cette évolution négative par le motif de la saisonnalité une fois passée la Coupe du Monde de Football, mais aussi par le fait que les sites ont préservé leur rendement en établissant des cotes moins intéressantes.
Effectivement, le Produit Brut des Jeux (à savoir le chiffre d’affaires des opérateurs de paris sportifs) a progressé de 27 à 33 millions en l’espace des deux trimestres précités.
Quelles que soient les raisons de la baisse des mises, l’engouement des joueurs, à majorité situés dans la jeune tranche d’âge 18-24 ans, s’affaiblit.
Une loi bâclée pour la Coupe du Monde de Football et une fiscalité à “la Française” :
Cette perte relative d’intérêt pour les paris sportifs en ligne s’explique notamment par le choix insatisfaisant que proposent les sites agréés par rapport aux sites étrangers.
Sur les sites de paris sportifs validés par l’Arjel, on note la primauté du football, représentant 54 % des mises, suivi par le tennis qui attire à lui 24 % des investissements.
Si la suprématie du football en termes de paris reflète bien le goût des Français, bon nombre d’internautes déplorent le fait de ne pouvoir parier sur un panel de sports plus diversifié.
Les sites étrangers, eux, permettent de miser sur bien d’autres disciplines, comme les combats de catch par exemple.
Les opérateurs français agréés font toutefois des efforts pour remotiver les parieurs.
Ainsi, le “livebetting” représente la moitié des mises, les joueurs français appréciant la possibilité de parier au cours de l’avancée d’un match. Dans cette perspective, l’instauration de paris sportifs par mobile est une réussite.
Cependant, en plus du volume de paris décevant, plusieurs types de paris sportifs sont désormais interdits en France, à savoir le “betting exchange”, le “spread bet” ou encore les paris à handicap.
Mais la désaffection de sites agréés de paris sportifs par les internautes est aussi due à la fiscalité française qui s’abat sur ces plate-formes.
Ce phénomène a un effet boule de neige : les opérateurs étant soumis à des taxes, il en est de même pour les parieurs français et personne n’y gagne… sauf l’Etat.
Et ce d’autant plus que le taux de retour aux joueurs est déjà moins intéressant à la base qu’il ne l’est sur les sites étrangers : chez ces derniers, il atteint régulièrement 95 %, contre 85 % maximum sur les plateformes françaises légales.
En somme, les sites de paris sportifs agréés par l’Arjel se révèlent bien moins intéressants pour les joueurs que ne l’étaient – ou ne le sont encore – les sites dits “illégaux”.
Rien d’étonnant donc à ce que certains gros joueurs qui connaissaient le marché avant la loi migrent vers les sites étrangers, voire même s’expatrient.
Le gouvernement lui-même a estimé que le marché illégal représentait entre 15 et 30 % du marché total des jeux en ligne : preuve qu’en raison de ses dysfonctionnements et de ses désavantages, la loi française engendre le mécontentement des joueurs, dont certains n’hésitent pas à la contourner surtout les parieurs situés aux pays limitrophes de la frontière française.
(MISE A JOUR : pour le poker en ligne, 47% des joueurs jouent sur des sites non agréés)
Les férus français de paris sportifs n’ont jamais eu autant d’amis Espagnols, Belges, Suisses, Allemands et Luxembourgeois pour ne citer que les principaux…
Les opérateurs, eux-mêmes insatisfaits, espèrent que la France suivra le modèle italien, mais il ne faut pas être trop optimiste car le gouvernement a récemment fait savoir qu’aucune modification substantielle ne sera apportée à la loi du 12 mai 2010 avant les prochaines présidentielles.
En définitive, le fait que la pratique du pari sportif ne soit pas encore enracinée dans la culture française, comme le notent certains sociologues, nous semble moins en cause dans le bilan largement négatif du secteur des paris sportifs en ligne que la loi en elle-même, qui se fait au détriment des joueurs sous couvert d’assurer leur confort de jeu.